Il est arrivé en fendant l’eau du bassin d’hiver d’un crawl enlevé, tout habillé… Sébastien Bazin, le nouveau PDG du groupe Accor depuis sept mois, n’a pas hésité à  mouiller sa chemise lors de l’inauguration presse du Molitor organisée le 19 mai. 25 ans après la fermeture de ce lieu culte parisien, il a été le premier, affirme-t-il, à piquer une tête dans l’ex-piscine municipale reconvertie en «lieu de vie» avec son hôtel MGallery 5*****, son restaurant imaginé par Yann Alléno, ses salles de gym, son toit-terrasse de 550 m² équipé d’un barbecue, ses bars et son Molitor Spa by Clarins.

Au total, pas moins de 13 000 m² ont été réhabilités et aménagés aux portes de Paris, à quelques encablures du stade Roland-Garros. Les deux piscines, celle d’été (46 m) et celle d’hiver (33 m),  structurent la circulation et l’architecture de ce monument bâti en 1929 par Lucien Pollet et sauvé de la démolition par Jack Lang, alors Ministre de la Culture. Abandonné aux grapheurs et autres organisateurs d’événementiels pendant des années, ce bâtiment inscrit aux monuments historiques démarre une nouvelle Odyssée, comme le souligne Vincent Mézard, son jeune directeur général, sous les auspices d’une brochette de «bonnes fées».

Une concession de 54 ans a tout d’abord été accordée par la Mairie de Paris alors conduite par Bertrand Delanoë (bail emphytéotique) au fonds d’investissements Colony Capital, qui a injecté 80 millions d’euros dans cette réalisation à l’esprit à la fois urbain et… balnéaire avec ses immenses piscines, ses petites cabines bleues surplombant les bassins, ses fenêtres hublots qui ont inspiré le logo des lieux, ses chambres qui donnent sur le bassin d’été… Bref, avec ses faux-airs de navire-amiral ancré entre Paris et le bois de Boulogne. Le groupe Accor assure la gestion de l’établissement pour le compte du fonds via sa marque de boutiques-hôtels MGallery.

L’architecture, qui mixe Art Déco revisité, street art et éléments contemporains, a été confiée à quatre pointures : le cabinet Perrot et Richard, Jacques Rougerie (pour les bassins), le cabinet Derbesse et Jean-Philippe Nuel pour l’architecture intérieure. Tous se sont attachés à restaurer le bâtiment à l’identique, là où cela était possible (le bassin d’hiver, les murs extérieurs jaune tango, etc…), et à créer ailleurs une ambiance contemporaine qui rappelle l’empreinte artistique des lieux. L’association Pool Art Life a d’ailleurs été fondée pour perpétuer la tradition.

Quant au Molitor Spa by Clarins, il se compose de 13 cabines dont deux  suites privées de 50 m², d’un hammam, de saunas, de douches à expériences, d’une belle salle de détente, d’un salon de coiffure (marque partenaire : Shu Uemura), d’un barbier… Décorés au diapason de l’hôtel, les espaces sont vastes, aménagés avec soin : murs vert canard ou recouverts d’une toile tendue noir et blanc, mosaïques bleues, vertes et noires au sol, touches de bois, cabines designées dans l’esprit Art Déco…

Alexandra Bertin dirige cet espace de 1700 m² aménagé au sous-sol du Molitor et qui devrait, à terme, employer une trentaine de personnes. Une vitrine de choix pour la marque de cosmétique française, numéro un européen des soins en parfumeries. « Il s’agit d’un endroit qui offre un magnifique territoire d’expression à la marque Clarins. Désormais, le groupe dispose de deux vitrines complémentaires à Paris dans le secteur hôtelier, le Spa My Blend by Clarins au Royal Monceau, et le Molitor Spa by Clarins », se réjouit Olivier Courtin, directeur général du groupe français.

Avec l’inauguration de cet hôtel de luxe pas tout à fait comme les autres, le groupe Accor entend conquérir une clientèle internationale en quête d’une adresse un brin décalée, mais aussi une clientèle locale à la recherche d’un lieu de vie et de détente. Outre l’accès au restaurant et aux bars, un forfait spa journalier lui est proposé entre 120 € et 180 € (hors soins). Une formule club & spa (1000 membres au maximum) permet aussi de profiter des salles de remise en forme, des espaces publics du spa et des deux bassins… à condition d’être parrainé.

Cet accès sous conditions aux piscines a un prix : 1200 € le droit d’entrée, 3300 € l’abonnement annuel en solo. De quoi provoquer la mauvaise humeur de certains Parisiens, qui étaient nombreux à souhaiter réinvestir les lieux au terme de la rénovation. Petite concession faite à l’histoire de Molitor : des scolaires du 16ème arrondissement voisin seront accueillis trois demi-journées par semaine dans le bassin d’hiver, légèrement en retrait de la partie hôtelière, histoire de rendre l’endroit un peu plus ouvert à la population. A défaut d’être populaire…

Anne Autret (crédit photos : Alexandre Soria)